Dix jours de violences

[Association Levez vous ! – avril]

Ces dix jours de manifestation et de colère dont vous trouverez le récit accompagné de témoignages sont d’une importance capitale. En effet, ils sont la naissance d’un mouvement spontané de la jeunesse, de cette jeunesse qui a compris que le régime en place la privait de tout; de sa jeunesse présente, de son avenir, de son héritage matériel, moral et spirituel, d’espérance.

Dimanche 14 avril

« Levez-vous ! ». Il est minuit. Ils sont 65 à avoir planté leurs tentes non loin l’assemblée, place du président Edouard Herriot. Pour faire face à la menace, 125 CRS les encerclent. Le sénateur Pozzo di Borgo est là qui s’adresse à l’officier en charge de l’évacuation ainsi qu’aux quelques caméras présentes sur les lieux. Il rappelle que le maire socialiste de Sevran -qui a réclamé plusieurs fois l’intervention de l’armée dans sa commune- y a installé une tente pendant trois semaines, que des tentes y sont installées en permanence, notamment par des clandestins réclamant leur régularisation, sans que jamais ne soient réclamées l’intervention de la police ni leur évacuation. Il fait aussi remarquer que les jeunes gens qui sont réunis le sont pacifiquement et en silence et ne causent absolument aucun tort au voisinage, ce qui n’a pas été le cas de tous les campements installées au même endroit par le passé. Posant à de nombreuses reprises cette question « à quel titre le ministre de l’Intérieur monsieur Valls les met-il dehors ? », le sénateur assiste impuissant à l’évacuation, par la force, des jeunes gens dans le panier à salade, lequel était présent depuis déjà une bonne demie heure. Deux autres jeunes gens, présents car ayant été avertis de l’intervention du sénateur Pozzo di Borgo et de l’évacuation en cours sont à leur tour embarqués pour s’être étonnés à voix haute du traitement infligé à des manifestants pacifiques et silencieux.

Les 67 jeunes gens évacués effectuent 17 heures de garde à vue sans raison. Il faut avouer à la décharge des policiers que ceux-ci sont extrêmement courtois, et que le commissariat du 18ème est relativement propre. Cela étant, ceux-ci obéissant à un pouvoir décidé à réprimer le mouvement de contestation populaire, chaque gardé à vue ressort avec un rappel à la loi pour « attroupement illégal », même les deux jeunes gens venus plus en badauds écouter le sénateur qu’en manifestants.

Mardi 16 avril ;

A l’issue de la manif pour tous, les veilleurs organisent leur première action et s’installent sur une des pelouses des Invalides, ils sont environ 80. A leurs côtés, 80 personnes âgées de 18 à 30 manifestent un peu plus bruyamment en lançant quelques chants et slogans. Très rapidement, les deux groupes sont cernés par des CRS et des gendarmes mobiles qui les regroupent en les encerclant. Décidés à résister pacifiquement, les jeunes se tiennent les uns les autres par les coudes. À l’inverse des gendarmes mobiles dont le malaise d’être employés à cette besogne était perceptible, les CRS n’hésitent pas à distribuer des coups de pieds, de poings ou de tonfa, allant même jusqu’à utiliser le jet de gaz lacrymogène sur un manifestant un peu plus pugnace que les autres. En une demi heure, tous les jeunes gens sont évacués dans la bouche de métro ; dans les couloirs, quelques heurts ont lieux, les policiers gazant et matraquant certains manifestants moins contents que les autres de monter de force dans un métro qui les éloigne de chez eux….

Mercredi 17 avril :

A l’issue de la manifestation pour tous, environ 500 personnes excédées par le comportement des forces de police la nuit précédente se réunissent face au barrage de CRS qui interdit l’accès de la rue de l’Université. Les veilleurs s’installent quant à eux avec leurs bougies sur la pelouse ; seulement quelques dizaines la veille, voilà qu’ils sont deux ou trois cent.

Très rapidement la tension devient palpable au fil des charges de CRS et de l’utilisation répétée de gaz lacrymogène par les forces de police qui tentent en vain de disperser cette foule qui chante et reprend des slogans. Un mouvement spontané, résultant sans doute de l’impossibilité manifeste de gagner l’assemblée nationale par la rue de l’Université, conduit environ 500 personnes à partir en courant dans la direction opposée. Alors c’est la course jusqu’aux Champs Elysées où ne parviendront qu’une quinzaine de personnes ; l’essentiel des manifestants s’est égayé au fils du marathon sous l’effet conjugué de poumons fatigués et de la traque des CRS et de policiers en civil qui, furieux de s’être ainsi laissés surprendre, tentent de reprendre le contrôle de la situation en faisant montre d’une violence aveugle à la hauteur de leur récent désarroi de nous voir préférer la galopade à l’affrontement.

Douze personnes seront interpellées qui passeront une quarantaine d’heure en GAV et au dépôt à l’issue desquelles onze seront relâchées sans qu’absolument rien ne soit retenu contre eux, la douzième étant convoquée en juin pour avoir avoué le jet d’une canette en aluminium plus tôt dans la soirée. Trois autres personnes qui avaient trouvé refuge dans la brasserie chez Léon alors qu’elles avaient les CRS sur les talons assistent en compagnie des dîneurs ébahis au spectacle incongru d’une charge des forces de l’ordre matraques au poing et casques vissés sur le crâne à l’intérieur de l’établissement. Ces jeunes gens ne devront leur salut qu’au retour de pause inopiné et providentiel du cuisinier des lieux qui les laisse filer par la porte de service qu’il s’apprêtait à franchir. Après une nouvelle course, ils trouvent alors refuge dans un parking dont ils sont exfiltrés vingt minutes plus tard par une élue UMP et son mari scandalisés par cette traque qui continue dans le parking et dont ils sont témoins.

Reprenant sans se soucier de vérifier leurs sources les communiqués de presse de la préfecture de police de Paris, le Figaro énoncera le lendemain : « des crânes rasés ont harcelé les forces de sécurité dans le secteur des Champs Elysées.»

Jeudi 18 avril

Conformément à ce qui est en train de devenir une habitude, les veilleurs prennent place sur la pelouse des invalides à l’issue de la MPT, tandis que deux à trois cent personnes se retrouvent aux environs de la station de métro Invalides pour continuer d’exprimer leur mécontentement en alternant chants et slogans. Très rapidement ces derniers sont encerclés par les forces de l’ordre qui font usage sans la moindre sommation préalable de gaz lacrymogène et de leurs matraques ; sans doute leur zèle n’est il pas étranger à l’escapade de la veille qui a dû leur valoir, dans l’intervalle, quelques admonestations aussi bruyantes que désagréables. L’utilisation de gaz et du tonfa se prolonge depuis l’escalier menant à la station jusque dans les wagons du métro dans lesquels la foule est poussée de force et sans ménagement.

Trois personnes seront placées en garde à vue durant vingt heures à l’issue de cette soirée.

La première est accusée dans un premier temps de violence sur un policier en civil, version qu’elle conteste lors de son interrogatoire. Etudiant d’Esmode d’une vingtaine d’années, il raconte lors de son audition avoir été pris à partie par un individu en civil sans brassard ni insigne, aux cheveux très ras et portant un bombers. Ce n’est qu’après l’avoir repoussé, que ce policier l’a gazé avant de se munir d’un brassard indiquant sa fonction. Le procureur, face aux incohérences manifestes résultant de ce témoignage et de celui de ce policier réclamera une confrontation entre l’étudiant et le policier en question au cours de laquelle ce dernier retirera sa plainte et avouera curieusement qu’il s’est très certainement trompé. L’étudiant sera relâché à l’issue de sa GAV non sans qu’il lui soit signifié un rappel à la loi ; laquelle ?

Le second gardé à vue est un père de famille de trente cinq ans dont le seul tort est de porter un treillis qui fait de lui, aux dires de la police, un leader de la foule ; il se rendait à la manifestation pour la première fois car son épouse enceinte est susceptible d’accoucher d’un jour à l’autre. En dépit de cette information le procureur décide au bout de vingt heures de garde à vue de le faire placer au dépôt. Il n’en sort que samedi pour rejoindre son épouse à la maternité. Il est convoqué en juin au tribunal pour participation à un attroupement non déclaré.

Le troisième, accusé mensongèrement par un journaliste de France Inter de l’avoir agressé reçoit en sortant une convocation au tribunal pour le mois de juin.

Vendredi 19 avril

Les veilleurs sont sur les pelouses et leur nombre semble doubler à chaque jour qui passe. Une foule nombreuse avec pour seule arme sa détermination, ses chants et sa bonne humeur se regroupe spontanément devant la rue de l’Université face aux CRS et aux grilles anti-émeute. Ce qui commence par des danses sur « il était une bergère qui allait au marché… » prend rapidement l’allure d’une confrontation en raison de l’arrestation de deux ou trois jeunes gens que leurs pas de danse ont fait imprudemment s’approcher trop près des CRS, en raison de l’usage de charges chaque jour plus violentes et de l’usage répété et à présent commun de gaz lacrymogène.

Témoignage d’Arthur placé en GAV ce soir là :

« Ma garde à vue par Arthur 21 ans .

Habitant dans l’Ouest de la France c’est après avoir vu le véritable déferlement de violence sur la capitale envers de jeunes français déterminés que nous avons décidés avec quelques amis de nous joindre aux manifestations quotidiennes de la Manif Pour Tous . Après avoir suivis le cortège jusqu’aux Invalides nous restons avec les autres jeunes (et moins jeunes d’ailleurs) sur l’esplanade des Invalides. Il règne une joyeuse ambiance, d’aucuns sortent de leurs sacs une bouteille de vin, d’autres quelques bières. Au fur et à mesure de la soirée plusieurs chants populaires et bon enfant sont entonnés, la plupart repris en grande majorité par la foule, l’ambiance reste chaleureuse jusqu’à un déploiement inattendu et totalement injustifié de CRS. Devant ces hostilités que nous n’avons nullement entraînées, le groupe de jeunes commence à faire face aux forces de l’ordre. Un jeune homme d’une trentaine d’années munit d’un mégaphone se dirige alors en tête de la foule et tournant le dos à la police tente de nous adresser quelques mots ; malheureusement le pauvre bougre n’en aura pas le temps, un CRS l’a déjà agrippé par le sac afin de l’embarquer dans une estafette manu militari, il est 23h et je retrouverai ce manifestant un peu plus tard.

Devant cette interpellation totalement arbitraire le groupe de manifestants commence à élever la voix et à avancer vers le barrage de CRS, certains, mais une minorité, commencent à donner quelques coups de pieds dans les grilles anti-émeute, ceci ne représentant d’ailleurs aucune menace, les grilles étant solidement fixées à des camions. Je fais moi même partie des manifestants qui font face aux forces de l’ordre bien que je n’aie donné aucun coup, je suis donc un des premiers à être gazé par les forces de l’ordre. Le gaz lacrymogène faisant effet je me retrouve donc complètement ballotté dans la foule, incapable de m’orienter, c’est sûrement ce qui a décidé un CRS à m’attraper et à m’emmener vers les camions.

Je me retrouve donc menotté, encore sous l’effet du gaz, dans une estafette en compagnie de quatre autres jeunes, dont deux mineurs l’un deux ayant été d’ailleurs violemment plaqué au sol lors de son interpellation, je suis aussi en compagnie de « l’homme au mégaphone ». Après une heure d’attente nous partons enfin dans une direction inconnue. Nous arrivons dans un commissariat qui se trouve aux dires d’un fonctionnaire de police présent « Au Nord de Paris », on nous attache tous à une sorte d’immense banc et nous n’avons ni le droit d’aller aux toilettes ni celui de boire et l’on ne nous notifie toujours aucun de nos droits, ni avocat, ni médecin. Nous rencontrons d’ailleurs dans le même lieu un prêtre embarqué pour avoir voulu porter secours à un jeune, il saigne abondamment du crâne, ce qui est assez étrange vu que je ne l’avais pas vu se faire molester au cours de son arrestation ; une vidéo que je visionnerai deux jours plus tard m’apprendra que les policiers se sont occupés de lui derrière les lignes de CRS à l’abri des regards comme cela s’est passé pour d’autres interpellés.

Une fois de plus nous sommes transférés menottés, cette fois ci vers le commissariat du IVème arrondissement où nous passons le reste de la nuit. Ce n’est que vers 10h que l’on nous notifie notre garde à vue, et que l’on nous donne enfin lecture de nos droits. N’ayant que très peu connu pareille situation avec les services de police je suis aveuglément les conseils de l’Officier de Police Judiciaire et ne fais pas appel à un avocat « Cela ne sert à rien, mis à part nous énerver un peu plus contre toi et te faire rester ici un peu plus longtemps, je leur demande cependant de prévenir mes parents comme c’est aussi mon droit.

Au beau milieu de cette entrevue, deux plaintes supplétives arrivent devant moi de la part de deux CRS pour violence et injures contre les dépositaires de la force publique. Stupéfaction… J’aurais donc donné des coups dans des boucliers et insulté des agents… Je mesure 1m84 et pèse 65 kilos, autant dire épais comme un câble de frein à main, et quiconque me regarde de près ne peut que sourire à l’idée de me voir me frotter à des CRS en armure dotés de boucliers, matraque à la main. Mais les faits sont là. On me renvoie dans ma cellule, cette fois-ci collective, avec mes camarades de manifestation. Il est 8 h du matin. Trois heures plus tard on me transfère devant la police judiciaire où un officier reçoit ma déposition , à la question « Reconnaissez vous avoir porté des coups envers Mr Untel représentant de la force publique ?  » je ne peux que répondre sincèrement « Non » , l’officier me regarde me demandant à quel jeu je joue , je lui réponds immédiatement que je ne joue à aucun jeu mais que je réponds simplement à sa question , de nouveau il me demande si je tiens vraiment à passer les deux prochains jours au poste , devant mon silence le gaillard s’énerve et commence un discours, arguant que les fait qui me sont reprochés sont extrêmement graves et que je ne me rends pas compte de ce qui m’arrive.

Devant autant d’insistance et privé totalement du moindre soutien je ne peux que répondre que je certifie sur l’honneur ne pas me souvenir des faits qui me sont reprochés mais que confiant dans les forces de l’ordre de mon pays je ne comprends pas qu’une plainte soit déposée contre moi. Incrédulité du fonctionnaire qui trouve mes propos pompeux, ce n’est peut être pas faux mais c’est tout ce que je trouve à dire face à ce qui a l’air d’une manipulation. On me tend alors le PV pour que je le signe, seconde stupéfaction outre les fautes d’orthographe énormes (projet de loi « TOBIRAH ») , je retrouve plusieurs énormes incohérences que le policier a introduit insidieusement dans mes propos . Une fois signalées le fonctionnaire refuse de modifier, je refuse donc de signer, exaspération de sa part, il se décide enfin à changer enfin les termes du PV que je signe donc. S’ensuit alors de longues heures d’attente, le mineur nous ayant suivi au commissariat est libéré ainsi que le premier interpellé. Vers 13 h on met fin à la garde à vue d’un autre pour qu’il aille voir un magistrat. Je reste donc seul dans ma cellule, cela fait maintenant 16 h que suis ici, je n’ai pas le droit d’aller aux toilettes ou alors c’est avec les menottes.

19h00 : on vient me voir pour me dire que le magistrat met fin à ma garde à vue car il veut me parler pour statuer sur mon sort et on me transfère donc au dépôt. Je fais remarquer qu’à cette heure-ci et un samedi soir le magistrat ne pourra sûrement pas me recevoir et qu’il serait plus sage que je passe la soirée ici pour n’être transféré que demain matin, fin de non recevoir on me prie de signer, incrédule je me laisse faire et je suis alors transféré au dépôt. Seuls ceux qui y sont déjà allés peuvent comprendre l’ambiance de ce lieu sordide ; trois étages de cellules individuelles traversés d’un long corridor où règne une odeur fétide et où retentissent les hurlements des détenus.

Cette fois ci je demande un avocat et je renouvelle la demande déjà faite que l’on joigne mes parents, je passe ensuite par la fouille et dont je passe les détails tant ils sont sordides. Je passe alors une des pires nuits de ma vie au milieu des cris, de la puanteur et pire que tout, de l’incertitude de mon cas. On a « oublié » de me donner une couverture pour la nuit mais par contre on n’a pas oublié de brancher la climatisation ce qui dans un sous sol est toujours très utile ; je grelotte durant des heures. Le lendemain vers midi après une nuit d’insomnie on vient me chercher, et après une nouvelle fouille où je dois une fois encore me mettre entièrement nu et tousser accroupi tandis qu’un fonctionnaire vérifie que rien ne m’échappe…on me menotte et je dois parcourir ainsi le couloir long d’une centaine de mètres qui mène au parquet où je suis présenté devant le vice procureur.

Malgré ce qu’on m’avait dit, celui ci se fiche éperdument de ce que j’ai à lui dire et ne fait que me lire un papier sur lequel sont écrites les charges retenues contre moi et me demande de bien vouloir le signer ce que je fais immédiatement ; après 35 h de garde à vue passée dans ces conditions j’aurais volontiers donné bien plus qu’une signature pour pouvoir enfin quitter cet endroit ! Je m’aperçois aussi que l’on a pas prévenu mes parents malgré mes deux recommandations et le fait que ce soit mon droit.

Je suis donc convoqué devant la XXIIIème chambre correctionnelle de Paris pour répondre des accusations de violences et injures contre des dépositaires de la force publique.

Un autre étudiant arrêté pour des raisons tout aussi fantaisistes fera lui aussi ses quarante heures de GAV et de dépôt. Il est convoqué lui aussi en juin pour répondre aux accusations de violences et injures contre des dépositaires de la force publique. Ce motif bien commode sera invoqué de plus en plus fréquemment dans les jours à venir pour justifier gardes à vue interminables, transferts injustifiés au dépôt, convocations au tribunal, interdictions de manifester, contrôles judiciaires et même une interdiction de séjour à Paris jusqu’à la tenue du procès d’un accusé.

Dimanche 21 avril

A l’issue de la dernière grande manifestation régionale se déroulant à Paris avant le vote définitif et accéléré de la loi, plusieurs centaines de veilleurs prennent place sur les pelouses. Non loin d’eux, ce sont, comme chaque soir, des chants et des slogans du côté des manifestants, des coups de matraque et du gaz de la part des forces de l’ordre. Le dispositif déployé par la préfecture de police ce soir là est impressionnant : plus de mille CRS et une centaine de policiers en civils qui ce soir-là sont aisément identifiables car portant, enfin, un brassard.

Ce déploiement de forces sans rapport ni avec le nombre de personnes présentes ni avec leur violence supposée en sera pour ses frais ; la soirée n’est que chants et slogans, danses et cordons de personnes à genoux devant les CRS. Il est probable que le grand nombre de journalistes et de caméras présents sur les lieux tempèrent l’ardeur des fonctionnaires qui nous font face et de ceux qui, dans un bureau, les commandent.

Mardi 23 avril

Dernier jour. Dans quelques heures un gouvernement illégitime fera basculer, par un tour de passe-passe législatif, la République dans une nouvelle ère. La République peut-être mais pas la France. Ce soir, à l’issue de la manifestation, nous constatons que les veilleurs sont plus nombreux qu’ils ne l’ont jamais été, tout comme ce groupe de manifestants plus adepte du chahut que des bougies qui se retrouve, comme chaque soir, face aux CRS au début de la rue de l’Université. Le refus du gouvernement de nous écouter, notre nombre face auquel l’anxiété des CRS est palpable font très vite basculer la soirée vers des heurts de plus en plus violents. Ca ne ressemble évidemment pas à du Goodyear ; nous n’avons ni parpaing, ni boulon, ni pneu en flammes… nous ne sommes qu’une foule qui s’avance les mains vides en criant sa colère, en attendant d’être gazée ou matraquée, une foule où ceux qui marchent en tête savent qu’ils donneront du courage à ceux qui les suivent et qui, malgré le risque d’une ou plusieurs nuits en cellule, reprennent courageusement leurs places après les charges, après que les gaz ce soient dissipés. Le jet de quelques canettes sur des hommes lourdement équipés par une ou deux dizaines de manifestants n’enlève rien au courage de cette foule qui s’avance les mains nues sans autre but, sans autre espoir que celui de montrer sa détermination et sa foi dans le combat qu’elle mène. En effet, si ces manifestations sont historiques par le nombre de personnes qu’elles ont mobilisé pendant des mois, elles le sont aussi par leur tranquillité : pas un bâtiment, pas une boutique, pas une voiture, pas un abri bus n’ont été vandalisés ni dégradés et, au cours de ces chahuts nombreux, où une foule parfois imposante a fait face aux forces de l’ordre, celles-ci n’ont eu à déplorer qu’un blessé léger pour une pierre tombée sur son pied. Si la presse était honnête…

Témoignage de Katell et Mathieu M. parents de cinq enfants, interpelés ce soir là, gardés à vue durant 48h00 puis transférés au dépôt 12h00 encore sans raison autre qu’une fantaisie sadique qui espère nous décourager en mettant le ministère de la justice au service de son iniquité.

Attroupement non autorisé : 19h- 22h Manif pour tous. Suite à l’appel à la dispersion, une part très importante des manifestants choisit de rester sur place. Rapidement, les veilleurs se mettent en place et les « réveilleurs » font mouvement vers la palissade des CRS pour le désormais traditionnel « office du soir » qui consiste à prolonger la manif devant les CRS jusqu’à ce que ceux-ci nous poussent dans le métro.

L’ambiance est chaude, les réfractaires à la dispersion sont beaucoup plus nombreux et plus déterminés encore que d’habitude à exprimer qu’ils ne lâcheront rien. Pour une fois, nous sommes en première ligne. L’action consiste reprendre des slogans, certains frappent des coups symboliques sur la palissade, effet sonore garanti. Quelques projectiles commencent à voler. Chaque fois que nous voyons quelqu’un lancer ou se préparer à lancer, nous essayons de l’en dissuader en faisant valoir que cela peut être dangereux pour les nôtres (l’équipement des CRS les rend invulnérables à ce type de projectiles). Mais la colère est vraiment forte Nous incitons alors les lanceurs à venir en première ligne et à visage découvert pour aller au bout de l’expression symbolique de leur colère, mais rares sont ceux qui osent aller jusque là.

Un mouvement de foule d’origine inconnue emmène un gros paquet de manifestants sur la gauche, les photographes de presse courent avec eux, pensant qu’il se passe quelque-chose ; nous n’avons rien vu de l’origine de cette folle course. Nous craignons deux choses : que les forces de l’ordre en profitent pour fragmenter le bloc des manifestants et que la dispersion suscite des initiatives individuelles désordonnées. C’est pourquoi nous nous efforçons de rassembler les manifestants devant la palissade. Le dispositif finit par se reconstituer. Au cours de la soirée, anticipant sur d’autres mouvements de foule, nous écartons à plusieurs reprises des objets sur la chaussée, susceptibles d’être dangereux en cas de nouvelle course ou d’une bousculade consécutive à une charge des CRS.

Premiers gazages : Les CRS font usage de gaz lacrymogène chaque fois que certains d’entre nous approchent d’eux. Mais ils ont le vent contre eux : C’est inefficace et amusant. Nous chantons « le vent a tourné », le message s’adresse aussi à François Hollande…

Première charge : Survenant de la gauche de la palissade, une colonne de CRS charge la masse des manifestants. Nous nous efforçons de retenir nos voisins pour deux raisons : ne pas lâcher le terrain et freiner le mouvement de foule potentiellement dangereux. Katell reçoit un violent coup de matraque sur la cuisse (une heure plus tard, elle aura encore la matraque imprimée dans la chair en forme de gouttière). Nous sommes copieusement gazés. Suffoquant, nous nous replions sur le trottoir. Un jeune homme vient nous secourir avec du sérum et des citrons. (nous le retrouverons plus tard). Malgré ces désagréments, l’ambiance reste joviale et bon enfant, la colère est exprimée de façon symbolique. Nous retournons en première ligne.

Deuxième charge : Menée conjointement par les CRS du barrage et les gendarmes mobiles positionnés sur notre droite. Cette fois, le but est d’en attraper quelques-uns. Nous ne reculons pas, toujours pour une raison de sécurité et parce que nous n’avons aucune raison de fuir. En se repliant, les gendarmes nous emmènent avec eux. Nous sommes pris au piège, nous n’opposons aucune résistance. Loup qui a tout vu depuis le lampadaire où il était perché croit à une méprise et s’avance vers les gendarmes pour le leur dire. Il est interpellé aussitôt, les deux mineurs qui l’accompagnaient sont abandonnés dans la cohue. Un policier en civil s’approche et l’inonde d’insultes que la décence interdit de rapporter ici.

Interpellation : Nous sommes regroupés contre une voiture pour une palpation de sécurité puis écartés sur le trottoir un peu plus loin. Un autre interpellé est amené et, quoique visiblement parfaitement maîtrisé, il est projeté par-dessus une barrière métallique et atterrit la tête la première sur le sol, il en gardera une large plaie au menton. Nous sommes maintenant une demi-douzaine. Les gendarmes établissent les PV d’interpellation et nous remettent aux policiers. La plupart d’entre nous ont les mains attachées dans le dos comme des malfaiteurs. Dans le panier à salades, nous sommes huit dont un mineur et une femme (Katell, qui n’a prévu la garde de ses cinq enfants que jusqu’à ce soir). Nous partons pour une direction non précisée. Le chauffeur freine brutalement à plusieurs reprises, ce qui nous projette vers l’avant du véhicule. Pour ceux qui ont les mains attachées, c’est franchement périlleux. Nous sommes débarqués dans une espèce de Stalag. Nous nous attendons à être relâchés après un contrôle d’identité approfondi. On entend un policier demander sur quel critère les interpellations ont été effectuées. Il lui est répondu : « C’est ceux qui ne couraient pas vite. Les voyous, eux ils ne restent pas ». Katell se voit signifier sa garde à vue. Nous passons à la fouille et sommes amenés en cellule. Katell est isolée. On nous ressort de cellule et nous pensons que nous allons être libérés. Un policier nous ordonne brutalement de nous asseoir dans un coin, sur une banquette en béton carrelé, nous sommes un peu surpris. En face de nous, deux autres individus sont attachés par des menottes à la même banquette. Ils nous disent venir de la manif eux aussi. Sans doute intoxiqués par les clichés véhiculés par la « propagandastaffel » de Valls, nous sommes septiques. De fait, ils en savent tellement que c’est sûr, ils sont des nôtres.

Début de GAV : A ce moment, des policiers s’approchent et nous demandent de nous lever. Ils nous expliquent qu’ils ont ordre de nous transférer et veulent nous menotter. Nous avons été jusque là d’une docilité irréprochable, nous protestons donc que nous ne sommes pas des gangsters mais des citoyens respectueux et que nous ne nous laisserons pas traiter en criminels. Un policier rétorque qu’étant désormais en GAV, telle est la procédure normale. C’est de cette manière que Matthieu a appris qu’il était en GAV. Cette protestation de principe nous vaut d’être saisis brutalement et menottés si serrés que Matthieu en a gardé des engourdissements dans le pouce jusque cinq jours après. Nous sommes amenés sans ménagement au commissariat du Vème arrondissement. Katell est isolée dans une étroite cellule puant l’urine. Elle n’aura plus la possibilité d’échanger le moindre mot avec son mari et ses autres compagnons d’infortune enfermés à quelques mètres de là. Cet isolement total, très éprouvant, devait durer plusieurs jours. Romain était déjà isolé à notre arrivée, les autres sont placés en cellule collective. Rapidement, le mineur est isolé à son tour ; nous sommes rassurés pour lui car ses parents ont été prévenus, nous ne le reverrons pas.

Nous faisons connaissance :

Loup : Agriculteur, père de 10 enfants. Inquiet car il a gardé de sa journée de travail un opinel dans sa poche (n°8), ce qui fait de lui un « manifestant armé ». La pièce à conviction d’une si évidente intention terroriste sera détruite en bonne et due forme.

Yvan : étudiant en classe prépa. Interpellé alors qu’il quittait la manif au moment de la première charge (on le voit sur certaines vidéo) Il ne voit rien car ses lunettes (cassées lors de son interpellation) lui ont été confisquées. La garde à vue lui est d’autant plus difficile que ses yeux le fatiguent énormément.

Cyril : Etudiant en prépa HEC. Paniqué par la situation, il nous donne des motifs d’inquiétude. Nous nous efforçons de l’aider à relativiser.

Enguerand : Etudiant en sciences politiques, il fait face à la situation avec beaucoup d’humour.

Matthieu : Professionnel du bâtiment, père de 5 enfants.

François : consultant dans la restauration. (l’homme aux citrons) Il risque de payer cher son dévouement car il a été pris en possession d’un couteau de cuisine (pour couper les citrons), ce qui fait de lui un manifestant armé.

Aldric : nous est amené en plus. préparateur de commandes, 26 ans. Il nous dit avoir été interpellé alors qu’il demandait son chemin à un policier.

Seule dans sa cellule, Katell est mère de 5 enfants de moins de 10 ans, assistante de direction.

Dans une autre cellule, Romain chante. C’est lui qui sauve le moral des uns et des autres par son talent de boute-en-train. Nous ferons sa connaissance plus tard : Jeune diplômé, demandeur d’emploi.

Première journée : déposition, identification (photos et empreintes digitales). Loup, qui avait demandé à être présenté à un médecin renonce pour ne pas faire perdre de temps aux policiers qui ont mieux à faire au service du bien commun. En effet, l’OPJ qui l’a entendu est venu le trouver dans la cellule et lui a dit que nous allons être libérés sans tarder vu l’inconsistance du dossier. Plusieurs d’entre nous n’avaient pas souhaité se faire assister d’un avocat vu l’inconsistance des faits reprochés. A notre grande surprise, en fin de journée la GAV est prolongée. Nous nous résignons à prendre les choses au sérieux et demandons presque tous l’assistance d’un avocat. Loup est finalement conduit au médecin.

Deuxième nuit : Katell se voit accordé un matelas (elle a passé la première nuit couchée sur une banquette en béton). Loup demande pour notre cellule d’autres matelas, il nous est répondu qu’il n’y en a pas. Nous nous installons donc avec trois matelas pour sept pensionnaires. Dans la nuit, il nous est apporté d’autres compagnons : un soupçonné de tentative d’effraction et trois de trafic de drogue. Ceux-ci sont des habitués : Le plus expérimenté rassure ses compagnons : « T’en fais pas, dans cinq mois on est sorti »A notre grande surprise, pour eux, les policiers ont trouvé deux matelas. Pour couronner le tout, l’un d’entre nous se fait piquer son matelas par l’un des nouveaux venus. Nous sommes désormais onze dans vingt mètres carrés.

Deuxième journée : Nous rencontrons chacun notre avocat. Nouvelle audition. Approfondissement de l’identification : nous sommes de nouveau photographiés mais après reconstitution de la tenue que nous avions en manif. Nous en déduisons que les enquêteurs épluchent toutes les vidéos pour trouver des éléments à charge. Un OPJ descend en cellule et vient faire signer à Aldric un papier en lui expliquant que c’est sa libération. Très nerveux, il ne lui laisse pas le temps de le lire. Celui-ci obtempère, la feuille appuyée debout sur la porte. Le procédé nous semble suspect. Il est emmené un peu plus tard, nous ne le reverrons pas. Romain rejoint notre cellule collective. Il est inquiété pour incitation à l’émeute à cause des chants et de son talent pour mettre l’ambiance. A nous qui l’avons vu dans l’action, cela semble grotesque de démesure mais nous avons compris que les politiques veulent nous mettre la pression maximum. Notre GAV est levée presque au bout de 48h (le maximum légal) et nous sommes transférés au dépôt en attendant d’être déférés devant le procureur. A la faveur de ce mouvement, Katell peut enfin échanger quelques instants avec les autres, mais pas avec son mari, écarté du groupe préalablement pour être transféré au dépôt.

Au dépôt, nous sommes stockés dans une espèce de salle d’attente surpeuplée et surchauffée. Un homme fait un malaise. Nous sommes au milieu d’une masse de délinquants de tous poils qui nous regardent comme des martiens. Nous commençons à discuter avec eux, ils sont stupéfaits : Eux acceptent le risque d’être coffrés pour l’appât du gain. Nous, nous ne faisons qu’un acte de civisme. Nous sommes des « oufs » mais cela leur inspire le respect. Ils nous posent des questions et nous découvrons qu’ils sont très réceptifs au fond du débat. Ici, on appelle un chat un chat : Nous sommes prisonniers politiques. Les « droit-communs » sont emmenés petit à petit et nous nous retrouvons entre nous. Nous recommençons à chanter : Chant des marais, Fanchon, A que nos pères, Opium… (bref, ce qu’un journaliste du Monde qualifiait dimanche de cantiques). Un policier vient alors nous demander en souriant de chanter moins fort. L’un d’entre nous demande sur le ton de la plaisanterie si c’est un délit pénal de chanter malgré les sommations. Le policier a de l’humour et nous obtempérons. Nous chantons encore longtemps, c’est bon d’être ensemble dans ce genre de situation. Pendant ce temps, Katell est toujours seule. La salle d’attente des femmes est toute vitrée, un peu un aquarium. Elle est amenée à la fouille puis en cellule. Ici, il y a un vrai lit avec des draps et un lavabo pour se laver avec des toilettes (sans eau). Le lendemain matin, elle s’étonne de ne pas avoir de nouvelles de son avocat la policière lui répond aimablement qu’il ne peut rien savoir à ce sujet. Elle reçoit la visite d’une religieuse qui lui offre un café, très réconfortant après ces journées de solitude absolue très éprouvante. On procède sur elle à une vérification d’empreinte. Enfin, elle est présentée au procureur à qui elle fait remarquer qu’elle n’a toujours pas rencontré son avocat. Mais le procureur n’en a que faire et elle est libérée après s’être vue signifier sa convocation devant le tribunal en juin.

Les autres arrivent à voir leur avocat, on nous a également proposé de rencontrer une assistante sociale. Dans l’après-midi, nous sommes libérés les uns après les autres ; nous avons été retenus durant le délai le plus long prévu par la loi.

Observations :

Comportement général des agents : Comportement professionnel et généralement courtois et respectueux mais pas toujours (il y a la même proportion de cons partout). Il ne faut pas attribuer le comportement détendu des agents comme une adhésion sur le fond à notre cause mais au souci prioritaire de jouer la détente dans le seul but qu’en leur présence, cela se passe bien. Le mensonge est une technique ordinaire.

Les hommes policiers sont gênés d’avoir affaire à une femme et les femmes policiers souffrent d’un complexe d’autorité qui les rend franchement insupportables. De ce fait, une femme seule est d’autant plus isolée que s’ajoute cette claustration comportementale à la claustration matérielle. (Au dépôt, c’est un peu différent car les agents quels qu’ils soient n’ont aucun accès au dossier et ne font pas semblant d’être plus que ce qu’ils sont.)

Alimentation : Infecte, cela fait sans doute partie de la pression psychologique pour inciter aux aveux. Deux sablés et 25cl de jus de fruit en PDDM, une gamelle écœurante tiède en guise de repas (respectivement 420 et 410 Kcal suivant le plat : « bœuf-carottes » ou « tortellini ») ce qui porte la ration quotidienne à environ 1000 Kcal.

Gestes bienveillants : Katell a été autorisée (tardivement) à téléphoner deux fois elle-même pour s’assurer du bon déroulement de la garde de ses enfants, Des policiers lui ont laissé une fois accéder aux toilettes du commissariat, plus dignes que celles de la GAV. Certains agents totalement extérieurs à la procédure (au dépôt notamment) nous ont implicitement ou explicitement fait part de leur désarroi et de leur compréhension.

Gestes malveillants : violence disproportionnée d’un CRS, comportement indigne de certains policiers en civil dans la manif, refus de matelas, refus d’accès aux toilettes pour Katell, menottes excessivement serrées volontairement. Les multiples manquements aux droits de la défense seront exposés par les avocats dans le cadre du procès.

Violences policières ? Nous avons appris en GAV que notre tort est de n’avoir tenu aucun compte des sommations. Effectivement, nous aurions été bien en peine de tenir compte de sommations qu’aucun d’entre nous n’a entendues, lesquelles consistent en gros dans la formule suivante : « Au nom de la loi je vous demande de vous disperser sans quoi nous allons devoir faire usage de la force » (nous avions entendu cette formule dimanche avant de nous faire pousser dans le métro). Matthieu avait bien repéré un policier portant un mégaphone derrière la palissade mais il semble qu’il n’en ait pas fait usage. Il y a peut-être eu là un manquement à la procédure.

La formule « violence policière » peut sous entendre que les policiers outrepassent les ordres reçus, ce qui est peu vraisemblable. Les méthodes policières sont rudes, mais nous ne demandons pas un traitement de faveur. Un casseur est un casseur qu’il soit de droite ou de gauche. Le hic, c’est qu’il n’y avait aucun casseur parmi nous : Qu’on nous dise quand et ou ont été cassés des pare-brises et des abris-bus, combien de kiosques et de véhicules ont été incendiés. Il y a donc violence politique dans la mesure où les forces de l’ordre reçoivent pour mission de traiter en criminel des opposants politiques pacifiques.

Témoignage d’Enguerrand, gardé à vue du mardi 23 avril 2013.

Suite au vote de la loi Taubira à l’Assemblée, je me suis rendu au cortège organisé par la Manif pour tous. L’ambiance était tendue. Arrivé aux Invalides, déjà depuis les allées bordant l’esplanade, je distinguais une immense clameur. Arrivé sur place j’ai été frappé ce que j’ai vu, une foule dense, composée en grande majorité de jeunes gens et jeunes femmes face à la rue de l’université bloquée par les forces de l’ordre. En plein Paris, à quelques centaines de mètres du Palais-Bourbon, un face-à-face quasi irréel se déroulait. D’un côté les Veilleurs calmes et sereins, de l’autre le chahut.

Ce que j’ai vu, ce sont des policiers en civil, aisément reconnaissable à leur tenue « casual », le visage tendu, haineux, qui lançaient des pétards et vociféraient contre les forces de l’ordre pour exciter la foule. Je ne peux pas croire qu’ils étaient là pour encadrer, les débordements étaient prévus, recherchés. Les slogans entendus ne sont jamais que l’expression du « ras le bol » de la population, encore une fois très jeune, qui s’était rassemblé pour exprimer son refus de la loi dénaturant le mariage et fragilisant les liens familiaux. Les slogans entendus n’avaient rien de fascisant, « Nous sommes le peuple », « Hollande démission », pas de quoi effrayer mémé.

Ce que j’ai vu c’est une horde de journalistes, prompts à filmer les débordements et dont les objectifs n’étaient fixés que sur les quelques dizaines d’excités présents. Alors oui ils ont essuyés quolibets et remarques, compréhensibles au regard de la désinformation quotidienne dont ils abreuvent les Français. Les jeunes qui lançaient des projectiles étaient peu nombreux, caché derrière leurs capuches.

Ce que j’ai vu, ce sont les gaz lacrymogènes, abondamment utilisés contre la foule et qui nous ont brûlé les yeux et les poumons,. Et puis des fusées rouges tirées en l’air, qui étaient, je l’apprendrai plus-tard, des sommations.

Le reste je ne l’ai pas vu, je parlais avec un ami, lorsque des gardes mobiles nous ont chargés. Aveuglé par les lacrymos, je n’ai pas cherché à m’enfuir, ni à résister et d’ailleurs pourquoi ? Trois GM m’ont embarqué. Menottes, fouille, mise au fourgon, rideau. Il est 23h45.

Très vite dans le véhicule me rejoigne 8 personnes, qui seront mes compagnons pendant trois jours. Parmi-eux, un jeune couple, ils ont 5 enfants, un agriculteur père de 10 enfants, des étudiants, des jeunes actifs, un mineur, pas de trace de « leader d’extrême-droite » ou de «dangereux fascistes, mauvais pêche. Nous sommes 8.

Les policiers nous indiquent que nous allons être embarqués au commissariat. Après un voyage épique, où menottés, nous sommes ballotés dans tous les sens, on nous débarque dans une cour entourée de barbelés sous le feu des projecteurs. Rapidement on m’emmène devant un officier qui m’indique que nous sommes mis en GAV pour les motifs suivants : « participation à une manifestation malgré les sommations » et « violences volontaires contre les force de l’ordre ». Devant mon incompréhension, le gradé me dit qu’il n’en sait pas plus, j’ai le droit à un coup de fil, je lui dis d’appeler une amie, lui demande de lui dire de ne pas s’inquiéter, que je sortirai vite, de ne prévenir que mon stage et non les parents, pour ne pas qu’ils s’inquiètent inutilement en pleine nuit.

Je refuse de voir un avocat, car je pense pouvoir me défendre des « accusations » seul, et je n’ai rien à me reprocher, je pense sortir le lendemain.

Le commissariat ressemble à un dépôt pour dissidents soviétiques, on me mène devant à la « fouille » où je remets mes effets, j’enlève ma ceinture, mon pantalon est encore trop grand, je laisse mes lacets. Après un passage aux toilettes, je crois avoir bien fait d’être prévoyant, on me mène auprès de mes compagnons d’infortunes dans une cellule de 20 m2, sans aération, avec la lumière des néons et personne dans les couloirs. Pensant sortir rapidement, nous nous racontons notre interpellation, je trouve mes compagnons sympathiques, dès le premier abord, ce qui me rassure. Après plusieurs heures à attendre, je m’allonge sur le bloc de béton, à 9 dans la cellule, il faut se recroqueviller pour avoir un peu de place. Repensant à l’absurdité de la situation, je me mets à rire, ce qui provoque un fou-rire général dans la cellule.

Dans la nuit, nous n’avons aucune indication quant à l’heure, mes compagnons sortent deux par deux, appelés par leur nom, nous ne savons pas où ils vont, nous attendons notre tour. A 7h le matin, j’ai vu l’heure sur la montre d’un policier qui m’accompagnait aux toilettes, on nous emmène un petit dej’ (2 galettes au beurre+un infâme jus d’orange). Je suis avec Cyril, un jeune en prépa, très inquiet et qu’il nous faut rassurer, il fait des crises d’angoisse et blessé à l’oreille par un coup de matraque se la frotte frénétiquement, faisant empirer la blessure.

24 avril

Vers midi on nous sort de cellule et nous indique que nous allons être transférer dans le 5e arrondissement. Rien de plus. On nous menotte, j’indique au policier qu’il n’en ai pas besoin, que je ne vais pas l’attaquer, c’est la procédure me répond-il. Menottés avec Aldric, nous traversons Paris, il fait un temps superbe, je me dis que c’est bien couillon de louper ça. Arrivé au commissariat du 5e, près de Maubert-Mutualité, on me remet dans une cellule où je trouve mes compagnons. On m’apporte mon premier repas, une barquette de « tortellini » aux ingrédients improbables, 400 calories. Dans les autres cellules, isolés, se trouvent Katell, la seule femme, et Romain embarqué après nous. Nous passons la journée dans notre cellule à attendre, Romain lance des chants, qui font la fureur de nos codétenus des autres cellules, ils n’ont pas l’habitude d’entendre ce genre de chansons en GAV. L’ambiance est bonne, on rigole de notre infortune, on tisse des liens, je me dis que j’ai du bol d’être tombé avec des types comme ça. Dans l’après-midi, je suis auditionné par une femme policier, je récuse les accusations qui me sont faites, elle me demande si je fais parti d’un groupuscule, si j’ai participé aux autres manifs, on essaie à coup sûr de nous faire porter le chapeau, de trouver quelque chose, mais il n’y a rien. Elle me demande si je suis catho, je ne réponds pas.

Puis on procède au relèvement des empreintes, ça me fait rire parce que je fais exprès de louper la feuille sur laquelle il faut placer sa main. La femme policier recommence plusieurs fois, comme je suis courtois, elle ne dit rien et je gagne un peu de temps hors-cellule. Elle me prend en photo, puis me demande de m’habiller comme j’étais la veille, c’est-à-dire avec un manteau en plus. Nous nous disons qu’ils vont éplucher les vidéos pour essayer de trouver quelque chose. Nous attendons en cellule, en chantant ou en racontant des blagues, j’essaie de dormir un peu.

Le soir on me ramène devant l’officier de police qui m’indique que la garde à vue est prolongée, ce qui me fait protester. Je lui demande si j’ai la tête d’un criminel, je proteste que c’est politique. Je choisis de voir un avocat. Fatigué par ces procédures et ces premières 24h, je craque un peu en m’énervant contre cet homme, mais en sortant je lui souris, en lui disant que rien ne nous fera plier, il me sourit.

Revenant en cellule, il y a un moment un peu tendu, tout le monde est crevé, et on nous emmène notre bouffe, nous réclamons du cochon, ce qui fait rire le policier et qui nous dit que si ca ne tenait qu’à lui nous en aurions, du cochon.

Nous allons passer une nouvelle nuit, nous sommes 7 désormais, Aldric a du signer sans même pouvoir y jeter un œil une feuille, je ne le reverrai pas. Il n’y a que trois matelas, nous en réclamons, on nous indique qu’il n’y en a pas d’autres.

Vers minuit, mon avocat vient, c’est un commis d’office, jeune avocat du barreau, nous avons 30 min, il teste mon moral, au beau fixe, il est contre la loi et trouve que ça va trop loin, je lui dis que malgré le fait que je récuse les violences, je sens qu’on cherche à nous casser moralement et que c’est peine perdue. Il est très sympathique, me renseigne sur la procédure, que j’ignore tout à fait, il me dit qu’au tribunal, les rumeurs fusent, nous allons servir d’exemple. Nous parlons de tout et de rien, il me raconte les derniers exploits du Bayern de Munich, puis nous parlons rugby. Le temps est fini, je le salue et retourne en cellule.

Quelques heures plus tard arrivent dans notre cellule un gars habitué des GAV depuis son adolescence, attrapé pour avoir tenté d’ouvrir des coffres de scooter, puis trois Africains, pour trafic de drogue. Ils ont des matelas, eux. L’un des Africains dit aux autres « dans 5 mois c’est bon, on est sortis », stupeur, mais ça nous a fait rire. Sale nuit, recroquevillé, c’est soit je mets mon pull sous la tête pour ne pas la poser sur le béton nu, soit je me caille, alors je me caille.

25 avril

Petit déj : même tarif, 2 galettes bretonnes, le jus d’orange. On se lève à tour de rôle pour se dégourdir les pattes, je fais des flexions, j’ai mal au dos. Le gus attrapé pour les scooters nous raconte sa vie, on le charrie gentiment. Romain chante, ça nous soutient, nous reprenons les chants, on épuise notre répertoire. La journée passe, les policiers épluchent les vidéos, on passe en audition alternativement, on se soutient tous. Les policiers emblent harassés par la procédure qu’on leur fait subir. Je repasse en audition avec mon avocat, je récuse les accusations en bloc. Malgré la fatigue, cela fait 36h que je suis en GAV, je fais attention aux questions, on nous pousse à bout pour avouer des jets de projectiles ou des outrages à agents des forces de l’ordre. Mon seul tort serait de ne pas avoir vu les sommations, des fusées de couleur rouge, le policier avoue qu’il ne savait pas lui-même que se puisse être des sommations. (Il faut en fait des sommations orales).

Nous pensons sortir au bout de 48h, la longueur maximum pour une GAV. Vers 22h, on nous sort de cellule et nous indique que nous allons être transférés au dépôt (36, quai des Orfèvres de sinistre réputation). Nous signons pour la fin de la GAV et vérifions l’intégralité de nos effets. Je suis mis dans une petite cellule, face au bureau, avec Katell et Loup. Katell m’impressionne par son courage, jeune mère de famille, elle me raconte l’état lamentable de sa cellule, puant l’urine et isolée au milieu des autres gardés à vue qui ne brillent pas leur élégance verbale. Elle a dû nouer ses cheveux avec une serviette en papier et a reçu un coup de matraque à la cuisse le mardi soir, encore imprimé sur sa peau. Lors de l’attente, un policier s’énerve contre Ivan, qui demande juste des explications, il le pousse violemment contre le siège.

Je suis transféré avec Loup, dehors il fait bon, les Parisiens sont de sortie, ce qui contraste avec notre situation. On nous a remis les menottes, nous traversons la Seine pour arriver au dépôt. En faisant la déclaration, je demande à voir mon avocat avant la comparution, ils me demandent qui je veux contacter, je redonne le nom d’Albane, ma petite amie, ils notent concubine, ça me fait rire, ils me demandent pourquoi, je souris. On nous emmène dans une cellule où sont rassemblés une trentaine de personne, il fait chaud à crever, un homme de 50 ans fait un malaise. Il est évacué mais laissé dehors, il a encore des convulsions. Nous sommes au milieu des prisonniers de droit commun, pris pour agression, trafic ce drogue, etc. Ils ne comprennent pas ce que nous faisons là, ils nous jettent des regards hallucinés. Puis apprenant la raison de notre enfermement, ils sont tous d’accord avec nous, nous soutiennent, nous disent qu’ils seront là le 5 et le 26 mai. Les malfrats ont le mérite du bon sens. Alors nous discutons avec eux, certains ont fait de la prison plusieurs fois, ils me disent « ici, la moitié va en taule, la moitié sort ». La cellule suffoquante se vide, chacun fait un passage au robinet pour se mouiller le visage, on étouffe. Nous lançons nos chants, ça a de la gueule, « Ah que nos pères, les Partisans blancs, Opium.. », un policier vient nous voir pour nous demander de baisser un peu le volume, nous coopérons. Sympathique, un chti, il nous dit que la dernière fois qu’il a entendu chanter au dépôt c’était il y a trois ans, des bidasses, ça nous fait rire. Nous reprenons moins fort. Petit à petit, la cellule se vide. Je reste le dernier avec Romain, il est 3h du matin quand on nous fait sortir, il a fallu attendre la relève pendant 2h. Fouille au corps et signature, je rejoins en cellule Loup et Ivan qui dorment du sommeil du guerrier. Et quelle cellule, trois lits superposés, une odeur d’urine nauséabonde, on se sent vraiment en prison. On me demande si je veux dîner, je prends l’infâme bœuf-carotte à 410 calories, mes compagnons n’ont pas fini le leur, je me brûle la langue avant de renoncer. Au lit. Je suis exténué, je me dis que dehors on doit s’inquiéter, et il y a mon stage, avec 48h de GAV et comparution immédiate, je vais devoir m’expliquer.

26 avril

Je me lève avec les autres, vers 9h on nous sert le déjeuner, pour gagner du temps. Loup va voir son avocat, il revient et nous dit dans 2h c’est réglé, ça nous rassure. Il est midi, on m’appelle, on me met les menottes. Le policier me dit en voyant votre prénom j’étais sûr que vous étiez de la manif, je lui réponds de nous rejoindre aux prochaines. Je traverse un dédale souterrain, sous le quai des orfèvres, je me dis qu’il faut au moins voir ça une fois dans sa vie. C’est un superbe bâtiment. J’arrive dans une double-cellule avec des grilles, où mes compagnons sont là, ainsi que les prisonniers de « droit commun ». On lance le chant des Lansquenets, 30s plus tard les policiers viennent arrêter le chant, très énervés, nos codétenus ne comprennent pas, nous demande ce qu’on chante. Je rigole avec les autres, on se soutient. Je n’aurais pas le droit de voir mon avocat. On m’appelle, je suis conduit devant le délégué du procureur, une femme d’origine maghrébine, avec dans la pièce un ptit gars qui doit faire son stage de 3e, je le regarde, il ne doit pas en avoir vu beaucoup des comme moi. Le délégué du procureur, sur un air entendu, me signifie que je n’ai qu’un rappel à la loi, que l’on ne me voit même pas sur les vidéos. Mon dossier fait 15cm de haut. Elle me dit que pour les prochaines manifestations, je dois faire attention, je lui souris et lui dit « comptez sur moi ». Le policier qui me ramène à l’accueil pour retrouver mes affaires, dans les souterrains me demande pourquoi on continue alors que la loi a été votée, je lui explique que la légalité ne fait pas la légitimité. Il me parle d’égalité des droits, très correct, notre combat le touche dans sa fonction, il ne comprend pas ces mesures prises à notre encontre.

Je récupère mes affaires après un temps d’attente à voir mes compagnons défiler et me sourire, tout le monde semble sorti d’affaire. On me mène dehors avec Loup, quelle étrange impression. Le policier nous lance « voilà la liberté ». Il est 14h, dehors nous attende Katell et Matthieu, ainsi que des copains venus nous accueillir, on rigole, je ne réalise rien, je fume une cigarette, elle me monte à la tête, je regarde la Seine, je rêve d’une bière fraîche et d’un steak. J’attends la sortie des autres, je rasure la maman d’Ivan, très inquiète, et l’on se dit à la prochaine. On ne lâchera rien, jamais, jamais, jamais.

Mes compagnons :

– Katell et Matthieu : Ils ont 5 petites filles, lui est tailleur de pierre, jovial et serein. Elle a la force des mères de familles, sûre d’elle, impressionnante malgré l’épreuve. Un couple qui donne envie, et qui sait pourquoi il est là.

– Loup : Agriculteur, père de famille. La force tranquille. Plein de convictions, sa sagesse rassure. Embarqué avec un opinel, « il en possède un depuis qu’il a 8 ans, et le perd toujours ». Sacré bonhomme.

– François. Jeune actif dans la restauration, le « coupeur de citrons », qui rendait la vue à ses camarades gazés. Plein d’humour, il me raconte son tour du monde à vélo.

– Romain. Ancien de l’espé, toujours devant, il nous ragaillardit par son enthousiasme. Embarqué pour « incitation à l’émeute ».

– Ivan. En prépa, d’origine libanaise. « Bon sang ne saurait mentir », s’est fait casser ses lunettes pendant la charge, il n’y voit rien mais garde courage.

– Cyril. En prépa également, il a subi des violences lors de son « embarquement ». Émotif, il nous faut le rassurer, le fait d’être des « prisonniers politiques » lui redonne du cran.

– Aldric, jeune préparateur de commande de 25 ans, il passera quelques heures avec nous, avant d’être subitement embarqué on ne sait pourquoi.

Retour :

-plus que jamais cette « mésaventure » me redonne du courage pour la suite, cette loi est profondément injuste, contre la dignité de l’homme, contre la famille. Ils veulent nous casser, entraver notre liberté, ils ne recueilleront que notre détermination toujours grandissante.

-ce sont des hommes honnêtes, tranquilles, qui font les rangs de l’opposition à la loi Taubira.

-le gouvernement a montré son côté sectaire, par son autisme et son mépris, il a nourri la colère du peuple, il en récoltera les conséquences, et pas seulement dans les urnes.

-ma génération s’est réveillée, il faut accompagner cette prise de conscience, non par une récupération politique. Les mensonges ont assez duré, la jeunesse a soif de vérité. Les modalités d’action suivront, il faut refuser la compromission.

– Le véritable enjeu c’est la promotion d’une culture de la vie

– Le fait de percevoir que nos ainés se battent à nos côtés est profondément enthousiasmant.

-La violence de nos adversaires est insidieuse, elle en est d’autant plus dangereuse. Nous ne laisserons pas violenter nos consciences, ni atrophier notre désir que ce qu’il existe de plus précieux, le lien de la filiation soit transmis. « Nous ne défendons pas ce qui fût, mais ce qui demeure » Thibon.

– L’espérance est nôtre. La petite fille Espérance, qui ne fait pas de bruit, brûle dans nos cœurs, nul ne l’éteindra.

Hommen, « Vendée » nous du rêve !

Hommen, « Vendée » nous du rêve !

                        « Combattus souvent, battus parfois, abattus jamais ! » Charette

la roche

Vers 23h30, à la Roche sur Yon, la ville s’endort, mais un petit groupe d’individus vient troubler cette douce quiétude… En effet, un  rassemblement de jeunes s’est donné rendez-vous au parc Albert 1er autour du monument aux morts, lieu symbolique et chargé de sens.

 

Ces jeunes, se mettent tour à tour torses nus, sortant leurs masques blancs qui contrastent avec la noirceur de la nuit. Des slogans scandés à vives voix indiquent clairement le ton, ainsi que la position de cette jeune génération concernant le projet de loi Taubira. Ils semblent effectivement déterminés à faire entendre leurs voix.  Sur leurs torses on peut lire : « Démocratie », « gaz no more » ou encore « Hommen vaincra ». Une Marseillaise est lancée, relayée à grand coup de torches enflammées, de fumigènes et de drapeaux français. Leur message est clair, ils ne lâcheront JAMAIS la position qu’ils ont prise dans ce débat, ils ne reculeront devant rien, et se mobiliseront partout, autant qu’il le faudra.

 

Est-ce l’aube d’un renouveau Vendéen ?!

 

L’acharnement du gouvernement à ne pas vouloir les écouter, les confortent dans la justesse de leurs positions. Ils quittent peu après le parc, formant un groupe uni, torches en mains, en direction de la place Napoléon. La statue de celui-ci est un point central de la ville de la préfecture vendéenne. Elle aussi chargée de sens, Napoléon étant à travers Cambacérès l’instigateur du code civile. Quelques voitures de polices viennent troubler ce cortège, ne maitrisant apparemment pas la situation. Leur effectif beaucoup trop réduit s’oppose à un groupe formé d’une jeunesse déterminée à ne rien lâcher. Ils se dispersent rapidement dans les rues, après y avoir déambulé fièrement, sous une pluie battante.

hommen

La Roche sur Yon vient ainsi rejoindre le cortège des villes ayant accueillis en son sein un événement Hommen, et la Vendée terre de résistance depuis des siècles vient s’inscrire dans une certaine continuité. Est-ce l’aube d’un renouveau Vendéen ?!

 

Alexis Taylor

Course folle à travers Paris! Retour sur un reportage inédit

         

          La semaine du 15 avril fut si riche d’événements et si dense d’émotions,  que Nouvel Arbitre se propose de vous faire revivre quelques minutes inédites de l’une de ces soirées, celle d’une course folle dans les rues parisiennes. 

Vue d'ensemble pelouses Invalides 17.04.13 - version 2

           Presque tous les soirs, c’est une habitude, à l’heure où le tintamarre de  « La Manif Pour Tous » se dissipe et laisse place aux bruits nocturnes sur l’Esplanade des Invalides, se côtoient à la fois le calme et la paisibilité des “veilleurs”de nuit et en même temps les cris et fracas des “éveilleurs” révoltés. Les CRS et la Gendarmerie cernent progressivement l’esplanade. L’atmosphère est tendue et le verdict semble toujours sans appel : ici, toute violence sera condamnable et tout pacifisme sera louable.

Flambeau 17.04.13         Devant les Invalides, le mercredi 17 avril, plusieurs centaines de manifestants, en mal de marathon nocturne, se sont soudainement dérobés de l’esplanade des Invalides peine ouest, laissant là, les méditations gandhistes des Veilleurs de nuit d’un côté et les provocations des Faiseurs de troubles de l’autre.

          Nouvel Arbitre présente pour vous ces mouvements de foule dont tout le monde parle et que personne ne montre… Ils en laisseront peut-être plus d’un surpris. Sans-doute est-ce vrai qu’aux types d’actions différentes, des sensibilités différentes.

Veilleurs de nuit 27.04.13          Parce que, ce ne sont pas les « militants d’extrême droite venus pour en découdre » qu’on aurait voulu, ni les parfaits « Ganghis » que certain pourrait souhaiter. Ce sont en revanche parmi eux que les brigades d’intervention mobile ont cherché à faire des exemples ce soir-là. Manque de chance, quand ce n’était pas des « erreurs » d’interpellations, ils n’y ont rien trouvé de ce qu’ils y cherchaient.

          Il est presque 23 h quand une foule s’engouffre dans la rue de l’Université, telle un essaim d’abeilles sortant de sa ruche. « La dispersion enfin ? » se demande un policier. Ça n’y ressemble en rien. L’instant d’après, ce sont alors les brigades mobiles d’intervention qui décollaient à leurs tour à grand renfort de sirènes.

Policiers et camions Invalides 17.04.13

          D’un seul élan, le mouvement se jette sur les quais. Imaginez quelle fut la surprise des quelques automobilistes Quai d’Orsay à la vue de cette foule lancée dans une course folle : c’est qu’à Paris on n’a plus guère l’habitude des troupeaux de bovins déambulant sur les routes. Le conducteur parisien ne klaxonne pas… mais s’interroge « Que font-ils donc ? Sont-ils en fuite ou sommes-nous attaqués ? D’où viennent-ils et où vont-ils comme cela ? » Les coureurs auraient été bien en peine d’y répondre.

Course quai 2

          Ils courent sur la chaussée, là fut le seul délit de la plupart d’entre eux. Est-ce un pur acte de défiance des forces de l’ordre, ou bien est-ce l’évacuation naturelle d’un trop plein de pression ? Les revendications vont-elles bien au-delà ? C’est, sans avoir vraiment réfléchi où ils allaient aller, ni par où ils allaient passer, qu’ils courent ainsi à toutes jambes. Serait-ce vraiment une “fuite” alors, ou serait-ce une “attaque” ? C’est surtout une course, simplement une course, comme à l’image de celle que mènent les procédures parlementaires. N’y a-t-il pas bien davantage rébellion contre l’Etat à malmener les députes, qu’à obstruer la voie publique ? Car, soyons en convaincu. S’ils sont là, c’est non pas pour se révolter, mais pour demander une loi non révoltante.

Course sur le pont de l'Alma

         L’allure est rapide, le rythme enlevé, ils sont déjà de l’autre côté du pont de l’Alma. Force est de constater que les coureurs traversent le Pont avant l’arrivée des camionnettes de Police. Puisque le Pont Alexandre III était fermé par leurs soins, et le Pont des Invalides boudé, les policiers n’avaient rien d’autre à faire que de les suivre. D’où l’expression qui est née dans la presse de “Cache-Cache Pour Tous”.

          Ils manifestent leurs mécontentements non sans élan par une course poursuite avenue Montaigne vers les Champs Elysées, se divisant dans les petites rues du 8e Arrondissement. Mais dans cette grande course, ce sont les dirigeants qui ont donné le rythme, et l’allure est si vive que les brigades d’intervention sont prises de court, haletantes elles aussi, dans l’espoir d’en interpeller quelques-uns.

         Il serait bien inutile de dissimuler que ces manifestants ont trouvé dans leurs courses l’évocation de quelques mouvements épiques. Descendre les pavés de la capitale au pas de course : l’idée résonnait sans-doute avec le tintement clair d’une épopée lyrique :

En tout-à-coup de fou désir, s’en va mon coeur.

Les sourds tambours de tant de jours
De rage tue et de tempête,
Battent la charge dans les têtes.

Le cadran vieux d’un beffroi noir
Darde son disque au fond du soir,
Contre un ciel d’étoiles rouges…
(Émile VERHAEREN)

          La jeunesse à toujours cette flamme et cette excentricité qu’elle vient apporter à un combat, au grand dam peut-être du raisonnable et du raisonnée. Ce soir-là, pour la seconde fois, des jeunes manifestent leur plus grande incompréhension, avant de se disperser sur les Champs, certain passant même devant l’Elysée. Leurs actions sont « terriblement violentes », a-t-on déclaré. Nous vous en laisserons juge. Rien ne s’arrange par la force, c’est entendu. Toute volonté à justifier la violence est impossible, car la violence n’a pas besoin d’autre chose qu’elle-même pour s’imposer.

Course quai flouté

          Mais, demandons-nous plutôt, peut-on sortir de la « violence » quand le droit semble bientôt réduit à des rapports de force ? Cette foule n’est-elle pas bien moins violente que les députés dans l’antre de l’Hémicycle à l’Assemblée ? Sans compter que les Parlementaires veulent faire passer en force une loi, et pour cela ils font violence à la famille, à la société, à eux-mêmes et aux leurs. La violence appelle la violence dit-t-on souvent ? Qui est donc le plus en droit de se plaindre ?

          Ces courses dans les rues, cette rage qui se manifeste, c’est dans la béance grandissante en France entre la légalité et la légitimité qu’elle s’installe, dans la tension entre ce que dictent la loi et l’exigence de la raison qu’elle vient se nicher. C’est dans cet écart aussi vieux qu’irréductible entre un législatif à penser et un exécutif à accomplir que se déploie une violence structurelle difficile à éviter.

          Mais ne nous trompons pas. Ils ne courent pas pour une liberté fiction, ils ne courent pas pour se rebeller. Ils courent l’espace d’un instant non pas seulement pour échapper à la force brute des contraintes, mais pour éprouver la liberté de pouvoir dire leur désaccord. Ils courent pour pouvoir demander une loi qui les oblige non qui les contraint. Ils courent pour promouvoir la force de la loi et non pour suivre la loi par force ou par contrainte physique. Ils courent, non pour la liberté illusoire d’un citoyen sans Gouvernement, mais pour la liberté de servir l’Etat librement. Seulement, n’oublions pas que courir fatigue ; n’oublions pas que courir essouffle. Seule la force d’âme grandie dans l’adversité. La force physique elle, s’épuise.

En face invalides -  format pano

          Ce n’est pas contre l’Etat, mais contre les procédés de ce gouvernement qu’ils s’insurgent. Cette loi est une loi intolérante, parce qu’elle refuse de tolérer tous les fondements de la société. Le gouvernement fait preuve d’intolérance en méprisant les différences. Pire, parce que la tolérance suppose la diversité, parce qu’on n’a jamais eu besoin de tolérer ceux qui partagent un même avis, au nom de l’égalité, les socialistes mettent en branle la vertu de tolérance elle-même.

          Sommes-nous encore dans un Etat de droit ? « Obéissez aux puissances » Voilà ce à quoi l’Etat semble exhorter aujourd’hui. « Si cela veut dire : Cédez à la force, le précepte est bon, mais superflu ; je réponds qu’il ne sera jamais violé. » Mais « Convenons donc, martelait Rousseau, que force ne fait pas droit, et qu’on n’est obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes. »

         Comité d’investigation de Nouvel Arbitre

[Portfolio] Manifestation au Trocadéro

Manifestation des avocats contre la répression policière

Vendredi soir, les avocats du CARP ont appelé tous les citoyens épris de justice à un rassemblement pacifique Place du Trocadéro, à 19h30, pour dénoncer les arrestations arbitraires de ces derniers mois.  »Depuis plusieurs semaines, la politique pénale des commissariats et du parquet de Paris semble se cantonner à arrêter les manifestants hostiles au mariage unisexe et à l’idéologie du genre. La France devient progressivement un Etat totalitaire. » déclarent-ils.

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« Contrôles d’identité abusifs, gardes à vue arbitraires et passages à tabac de jeunes manifestants par des policiers en civil se comptent par centaines. 50 gardes à vues le 25 mai, 174 sur la seule esplanade des Invalides (pour seulement 14 poursuites) au soir du 26 mai, 93 arrestations devant le lycée Buffon le 27 mai ! »

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Bouquet à la main, Béatrice Bourges remet des roses blanches, symbole de pureté, de ces manifestants sans reproches qui se firent arrêter trop de fois par les forces de l’ordre.

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« L’État français, qui prétend faire la morale à la Turquie et à la Tunisie, ferait mieux de balayer devant sa porte et de respecter les libertés fondamentales qu’il bafoue allègrement à l’encontre de ses opposants politiques. »

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« Environ 20 avocats se sont rendus aujourd’hui au secrétariat particulier du Procureur de la République François Molins pour déposer une centaine de plaintes pour arrestation arbitraire et violences commises par des dépositaires de l’autorité publique. Le Procureur s’est excusé et les avocats ont été reçus par le secrétaire général qui a fait enregistrer les plaintes et a indiqué qu’une information serait donnée ultérieurement. Une autre série de plaintes sera déposée la semaine prochaine. Le Procureur de la République a 3 mois pour répondre. »

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Vient alors la lecture de beaux textes…

Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

7-06-12 030Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;
Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d’un mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère,
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur,
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être qu’un penseur ;

7-06-12 036Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tous jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire
Tu seras un homme, mon fils.

Béatrice Bourges prend la parole.

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Les militants victimes des répressions policières sont venues en nombre à cette communication des  avocats du CARP.

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Nos photos de l’intervention des Hommen

Pour clore ce rassemblement, les Hommen ! Dénonçant  depuis des mois les violences policières, les Hommen aujoud’hui en appellent aux casques bleus de l’ONU…

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« Help, Help ! »…   »Au secours ! Au secours ! »

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Les fumées dissipées, les Hommen restent en place pour recevoir les remerciements de Maitre Pichon…

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Avant les derniers lectures de ce rassemblement…

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Et un discours d’envoi de David, organisateur du Camping Pour Tous.

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Appel à la dispersion, c’est la fin du rassemblement, mais le début de la soirée.

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[6 juin 2013] En direct des Veilleurs Versailles

[Nouvel Arbitre – le 6 juin]

Ce soir, les Veilleurs versaillais se retrouvent au nombre approximatif de 200 personnes pour une énième veillée ajoutant au combat contre le mariage gay une noblesse infinie.

En témoigne l’une des banderolles juchant le sol de la Place du Marché Notre Dame de la ville royale.

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Il va de soit que cette noblesse ne découle ni du lieu, ni de l’identité des participants mais bien des discours qui y sont tenus et surtout de l’enjeu de cette lutte férocement pacifique.

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Ce soir, les Veilleurs Versailles accueillent deux personnalités médiatiques bien connues du peuple français.

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En effet, les Veilleurs peuvent apercevoir Béatrice Bourges et Elisabeth Montfort. Cette dernière, ex député européenne de 1999 à 2004, a tenu un discours sur la théorie du genre dont la conclusion fit monter une détermination encore plus forte chez les manifestants.

Dans son discours, Madame Montfort n’hésites pas à reprendre un passage de l’hymne des Veilleurs en citant que: « même le plus noir nuage a toujours sa frange d’or ». Son choix de citation est motivé par le fait que c’est depuis l’apparition de la théorie du genre qu’elle a cet espérance de voir la France se lever pour s’opposer au culte nouveau du relativisme dans cette société individualiste.

Après un discours où elle intègre donc de façon formelle la lutte contre la théorie du genre au combat des Veilleurs, Elisabeth Montfort conclue par une recommandation:

« Soyez Hommes et Femmes et montrez le, ça sera votre témoignage de l’espérance »

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Un morceau de violon est entâmé, l’ambiance est grave, calme et recueillie.

Béatrice Bourges prend la parole et enfonce le clou du combat contre l’idéologie destructrice de la neutralité identitaire. Le livre (Papa Porte une Robe) qui crée la polémique du fait de son entrée dans le système scolaire dès l’an prochain est dénoncé, Béatrice Bourges souligne le fait que les enfants soient la première cible de la théorie du genre.

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La foule répond à ces propos via le fameux chant qu’est l’Espérance ainsi que le Chant des Marais. Quoi de plus evident pour cette foule que de répondre au totalitarisme idéologique du nouvel ordre mondial par un chant de résistance?

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Un Homme s’adresse maintenant au Veilleurs afin de leur rappeler leur force face à la violence. Son discours est d’une efficacité remarquable. Il n’y a qu’à écouter cette parole à propos de la relation pacifisme – violences policières pour s’en rendre compte:

  »Votre calme est plus dangereux que leurs armes »

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Sur ce et un Kyrie des Gueux époustouflant, les Veilleurs quittent la place du Marché.

[Cache-Cache Pour Tous 7 juin] Et dans le 15e pérégrinant…

Ce vendredi 7 juin au Trocadéro, la manifestation pour dénoncer les violences policières est aussitôt terminée, que commence un traditionnel « Cache Cache Pour Tous ».  Nouvel Arbitre a suivi pour vous leurs pérégrinations parisiennes. C’est sous l’égide du Maréchal Foch que se regroupe ces manifestants désireux de donner encore de la voix, faisant barrage aux voitures traversant la place du 11 novembre.

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Au milieu des touristes, c’est la descente des Jardins du Tracodéro que commence par s’offrir le cortège.

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Les slogans commencent à fuser :   »François, ta loi, on en veut pas » puis « Tous enfants d’hétéros, première, deuxième, troisième générations ».

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Rendus bientôt en bas du Trocadéro, le pont de Iéna leurs ouvre les bras.

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Que d’eau coulé sous les ponts depuis la première traversé. Pas le moindre car de CRS pour effrayer le cortège, les manifestants passent le pont  sous l’œil bienveillant de deux « gardiens de la paix ».

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Avec la plus grande civilité, un des policiers prie les cars de touristes de bien vouloir leurs céder le passage. Reprenant la tête du peloton, le valeureux ouvre la route aux manifestants.

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Cette équipe légère passe devant la tour Eiffel, avant de s’engager sur le quai Branly vers le cœur de Paris.

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Quai que les forces de l’ordre attentionnées avaient déjà pris soin de bloquer à la circulation. C’est alors en toute liberté que peuvent s’exprimer le mécontentement de tous ces manifestants contre vos dirigeants.

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En toute liberté ? Une alarme retentit au loin. Alerte, éclaireurs à bicyclette en avant, courir est de rigueur.

En tête, les premiers s’élancent à vive allure.

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Et tout aussitôt, le cortège s’engage dans la course lui aussi.

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Ils ne souhaitent guère d’arrêter là, l’échappatoire était prévu, la liberté assurée. A l’arrivée d’un véhicule banalisée, d’un seul mouvement l’ensemble des coureurs quitte les quais par le passage aménagé au sein des jardins du grand restaurant « Les Ombres ».

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Et  les voilà tous rue de l’Université, grâce à la complicité des gardiens et autres policiers en civil « escortant » les manifestants…

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La gendarmerie, pourtant bien présentent, ce soir ne bougera pas.

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L’avenue des Bourdonnais empruntée alors n’est guère plus embouteillée par les manifestants qu’elle ne l’est par le camion poubelle…

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S’engouffrant dans la petite rue Marinoni, tous vers le Champ de Mars s’élancent.

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Et tournant place Joffre, ils descendent l’Avenue de la Motte-Piqué, scandant « Hollande démission ».

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Suivi au plus près par une voiture banalisée, et quatre policiers en civil, les manifestants en plus petit nombre, finissent de descendre le boulevard de Grenelle. De leur propre initiative, les heureux coureurs montent dans le Métro, avant toute interpellations, fut-elle hypothétique. C’est  à Cambronne qu’ainsi se finit en beauté ce Cache Cache Pour Tous.

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Les forces de l’ordre auront mis du temps à comprendre qu’en excès toujours renouvelés, ils ne faisaient pas le jeu du gouvernement. Ce que comprit il y a fort longtemps les médias, la Préfecture de Police vient seulement de s’en apercevoir : ce que l’on veut taire, il faut l’ignorer. Curieux alors de voir aujourd’hui la presse de retour pour couvrir l’événement. En feront-ils un reportage ?

Manifestation « pour tous » du 24 mars 2013 : l’avis d’un spécialiste du maintien de l’ordre

[La Parisien – le 24 mars]

J’ai passé près de 5 ans comme officier dans des unités de maintien de l’ordre. J’ai à ce titre encadré à Paris des dizaines voire des centaines de manifestation. Je souhaiterais revenir sur la ou les polémiques concernant la manifestation dite  » pour tous  » du 24 mars 2013. Mon propos n’est pas de revenir sur les arguments des manifestants mais d’apporter un éclairage technique sur ce maintien de l’ordre historique.

Une manifestation exceptionnelle et un dispositif complétement dépassé

Il y a à Paris plus de 300 manifestations par an. La préfecture de Police est très expérimentée et les forces de l’ordre françaises sont parmi les meilleures du monde. La plupart de ces manifestations sont parfaitement encadrées. Des incidents ici ou là se produisent mais dans un contexte très ritualisé avec certes parfois des blessés. Néanmoins jamais les cortèges (sauf des casseurs) n’arrivent à sortir de leur itinéraire. Jamais des barrages de CRS ou de Gendarmes Mobiles ne sont enfoncés.

Or, dimanche le dispositif mis en place a été complétement débordé. Les forces de l’ordre se sont retrouvées face à des manifestants beaucoup trop nombreux et déterminés. Contrairement à ce qu’a dit le ministre de l’intérieur il n’y avait pas de casseurs mais au contraire des familles pacifiques n’hésitant pas à être pressentes face aux barrages de la police. Or le maintien de l’ordre repose sur la capacité à maintenir l’adversaire à distance. Que pourraient faire 50 CRS face à 10 000 personnes si celles ci cherchaient à enfoncer de dispositif ? Lorsqu’il s’agit de casseurs la question est vite réglée sur le plan technique : grenade, matraque, charges, interpellations, etc. Or, dans le cas présent il s’agissait de familles complètes avec enfants. C’est bien là que le dispositif a été inefficace. Les forces de l’ordre n’ont pas su réagir face à cette manifestation populaire et de nombreux barrages ont cédé. C’est exceptionnel. Cela n’arrive jamais. C’est aussi un signe politique fort qui devrait faire réfléchir le gouvernement. Certes plus les manifestants approchaient de l’Elysée plus les barrages ont été tenu.

Les forces de l’ordre ont elles employées abusivement des moyens coercitifs ?

Non, les forces de l’ordre, sauf à quelques exceptions près, n’ont pas fait un usage abusif de la force. L’utilisation d’aérosol contre les manifestants était justifiée. Oui, il fallait bloquer la manifestation à défaut de quoi nous aurions été dans une situation insurrectionnelle avec le palais de l’Elysée assiégé par des milliers de manifestants. Curieusement ce que personne n’a dit c’est qu’il n’y avait pas des centaines de manifestants sur les Champs Elysées mais des dizaines de milliers (il suffit de regarder les nombreuses vidéos sur YouTube). Il y avait même plusieurs centaines de manifestants pacifiques devant la grille de l’Elysée hurlant  » Hollande démission  » face à des forces de l’ordre complétement dépassées et affolées des conséquences. Cette situation n’est jamais arrivée à ma connaissance. C’est historique pour les forces de l’ordre. Il y aurait eu 1000 manifestants déterminés de plus et c’est la garde républicaine qui aurait du intervenir pour défendre l’enceinte du Palais. Là encore il s’agit d’un signe politique d’une grande force : la tentative d’une population déterminée et pacifique à interpeller directement le président de la république.

Qu’en est il de la polémique ?

La droite est ridicule quand elle hurle aux provocations policières. La police a fait son travail sur le terrain dans un contexte difficile. Je leur rends hommage. Il est probable que j’aurais agi de la même en utilisant des moyens peu coercitifs. Cependant les ordres étaient absurdes et le dispositif inadéquat. Oui la préfecture de police a fait n’importe quoi et n’a pas su gérer cette manifestation. Des unités se sont trouvées isolées comme ici :

Heureusement que la foule était calme car sinon les fonctionnaires de police auraient pu être lynchés. Le préfet devrait en tirer toutes les conséquences de son échec. De même le ministre de l’intérieur est ridicule lorsqu’il est apparu transpirant en parlant  » de casseurs d’extrême droite  » (autrement dit des fascistes) pour stigmatiser cette manifestation. C’est ridicule et dangereux car des manifestants méprisés peuvent se radicaliser. Il s’agissait probablement de la plus grande manifestation de ces 30 dernières années rassemblant des familles paisibles (ne rentrons pas dans la guerre des chiffres mais parler de 300 000 manifestants est absurde! Pourquoi mentir alors que personne ne croit à ces chiffres ?). Nier la réalité est indigne de la démocratie car manifester est un droit essentiel et constitutionnel. De mon expérience du maintien de l’ordre j’en retiens que la manifestation est un outil de contestation nécessaire. Maintenir l’ordre c’est aussi permettre l’expression démocratique. Cependant, je me rends compte que seule la violence est hélas écoutée par nos gouvernants. La réforme Devaquet avait été retirée suite à des émeutes tout comme plus récemment le CPE. Que veut le gouvernement, une autre manifestation plus radicale avec des blessés de part et d’autres pour accepter le dialogue ? C’est dommage car ce sont les fonctionnaires de police et les gendarmes qui se retrouverons, une fois de plus, les victimes de cette incapacité politique à traiter ce mouvement populaire de grande ampleur. La manifestation du 24 mars 2013 restera en tout cas dans les annales du maintien de l’ordre comme celle où les forces de l’ordre ont été dépassées par un dispositif inadéquat face à une masse considérable de manifestants pacifiques. Et que dire si les organisateurs, au lieu de tempérer l’ardeur de certains, avaient donné pour consigne de descendre les Champs-Elysées…